[insérer image A] Le carrefour des Cinq Coins se situe au croisement de la route venant de Colombelles et allant en direction d’Amfréville et de Bréville-les-Monts. Il constitue également l’intersection des routes provenant de Cabourg, permettant de rejoindre le pont de Ranville. Au début du XXe siècle, ces routes sont cruciales pour le transport. Ce fut longtemps des chemins vicinaux reliant Caen à Merville, au Hôme ou au Mesnil de Breville. Jusqu’à la généralisation de l’automobile dans la seconde moitié du XXe siècle, les rues de Ranville ne sont pas goudronnées, mais restent des pistes en terre battue.
A. Les demeures de maître du XIXᵉ siècle.
Au XIXᵉ et au début du XXe siècle, la proximité de Ranville avec Caen a favorisé l’installation de la bourgeoisie caennaise dans de prestigieuses maisons de maître (A). Cette élite, en quête de quiétude et d’air pur, reflétait dans ses résidences la mode architecturale de l’époque, mêlant élégance et fonctionnalité. Les riches propriétaires profitaient de la facilité des déplacements pour combiner la vie urbaine dynamique de Caen avec les plaisirs champêtres de Ranville, faisant de cette commune un lieu prisé pour les villégiatures bourgeoises.
B. Ferme et commerces.
[insérer image B] L’une d’elle, situé à proximité du carrefour a longtemps servi d’auberge et de bar (B3). Les bars des bourgs ruraux en Normandie, au début et au milieu du XXe siècle, sont des lieux de sociabilité essentiels. Ils servent de points de rencontre pour les habitants, où les rumeurs circulent et les nouvelles se répandent. Ces établissements sont souvent le cœur de la vie communautaire, où se mêlent discussions animées et jeux de cartes, renforçant ainsi les liens sociaux.
Le carrefour est aussi occupé par une ferme (B1) et une boucherie (B2). Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, les boucheries des bourgs ruraux normands étaient à la fois des lieux de vente et d’abattage. Les animaux étaient souvent tués sur place, avant l’instauration progressive de normes sanitaires plus strictes, qui ont conduit à la centralisation de l’abattage dans des abattoirs dédiés.
Une forge aux chevaux se trouve un peu à l’écart (B 5). Ranville a aussi compté un garage (B4).
C. L’ancien presbytère,
L’ancien presbytère (C) est étrangement situé à l’écart de l’église. Il a été construit à la fin XVIIIème – début XIXème avant d’être déplacé à proximité de l’église en 1966. C’est là que le lieutenant-Colonel Luard établit le poste de commandement de son bataillon au grand dam du curé de l’époque.
D. Stèle du 6 juin et le 13ᵉ Bataillon
[insérer carte parachutage]Ce carrefour représente donc un point stratégique qu’il était important pour les Anglais de la 6th Airborn de contrôler. À partir de 0h50, le matin du 6 juin 1944, les parachutistes du 13e bataillon, commandés par le lieutenant-colonel Peter Luard, se regroupent à proximité de ce carrefour après avoir été dispersés dans la plaine de Ranville. Le 13e bataillon comptait environ 550 hommes répartis en 3 compagnies de combat et une compagnie de commandement. Au moment de passer à l’attaque les effectifs sont complets à environ 60%. L’actuelle route départementale marque la limite sud de la zone d’atterrissage. Quelques sticks vont cependant dépasser l’objectif et quelques ranvillais auront la surprise de voir atterrir des parachutistes directement dans leur jardin.
[insérer image C ] La mission du 13e bataillon consiste à sécuriser la zone d’atterrissage (compagnie A), s’emparer de et contrôler Ranville (compagnie C) et sécuriser son accès Nord et Est (compagnie B).
À 2h30, après s’être réorganisé en compagnies, le bataillon lance son offensive sur Ranville à partir de ce carrefour, au son des trompes de chasse, des klaxons de moto, des sifflets à inertie et des trompes de vélo. L’assaut sur Ranville a semble-t-il été dénué de toute discrétion car chaque bataillon ou unité de la 5e brigade avait un indicatif sonore différent.
À 3h00, le lieutenant-colonel Luard considère le village comme désormais dégagé de l’ennemi. Très peu de soldats allemands sont trouvés sur place, car selon les informations recueillies auprès des habitants, la majeure partie de l’ennemi est absente, et ceux restés sur place s’enfuient rapidement en voyant les parachutistes. Les prisonniers de guerre capturés sont blessés et semblent très jeunes. L’identification des prisonniers, des morts et des documents indique le 7/II Régiment de Grenadiers Panzers 125.
[insérer image F] Ranville est ainsi considéré comme le premier village libéré de France métropolitaine et de Normandie. Cela s’explique par la présence allemande qui est relativement faible, les soldats étant surpris par l’arrivée des parachutistes, et le peu de résistance organisée. Le commandant allemand est rapidement mis hors de combat près du pont de Ranville. De plus la faible densité d’habitation de ce secteur de Ranville permet un contrôle rapide de la mairie.
[insérer image G] Depuis cette nuit historique, chaque 6 juin, le conseil municipal de Ranville remonte la rue des Airbornes en direction de ce carrefour, où attendent les représentants de l’armée britannique. Après une courte cérémonie, un défilé se rend à la mairie, à l’église puis au cimetière militaire. Durant ce défilé, les vétérans renouent avec le geste du passé en distribuant des friandises aux enfants, un acte désormais repris par les familles de vétérans. Les premières cérémonies ont lieu dès 1945.
E. Le Château Bruder.
[insérer image E] Dans la rue du Général de Gaulle, une autre grande maison du début du XIXe siècle, est connue sous le nom de « Château Bruder » (E). En 1914, cette maison est habitée par un Alsacien, Monsieur Bruder, qui lui donne son nom. À cause de ses origines, il est soupçonné, sans raison, par la population de complaisance avec l’ennemi. La légende raconte qu’il envoie des signaux lumineux depuis le dernier étage de sa maison à des navires allemands supposés croiser en mer, bien que ces récits n’aient jamais été prouvés.
En 1944, les parachutistes britanniques en font l’hôpital de campagne de la 6th Airlanding Brigade. La 195e Airlanding Field Ambulance atterrit vers 21h00 dans le cadre de l’opération Mallard le 6 juin. Ils s’installent dans cette grande maison de maître qui, quelques heures auparavant, abritait un officier allemand. Pour transporter la 195e brigade, dix planeurs Horsa leur sont assignés, transportant le personnel, les équipes chirurgicales et diverses sections.
À minuit, le 7 juin, cet hôpital de campagne traite 154 blessés et effectue vingt-trois opérations. Le lendemain, un itinéraire sécurisé vers les plages de débarquement est établi, permettant l’évacuation des blessés vers l’Angleterre. L’antenne médicale continue à fonctionner malgré les bombardements et traite des centaines de blessés tout au long des jours suivants.
F. Plaque dédiée au Caporal Alfred Brown.
[insérer image D] Rapidement, le carrefour devient un point stratégique où les Anglais positionnent un canon antichar et conseillent fermement aux habitants d’aller se mettre à l’abri. La journée du 6 et les suivantes sont relativement calme dans ce secteur qui cependant sera durement éprouvé lors de la contre-attaque allemande du 10 juin. C’est à proximité de l’actuelle rue de la Chardronnette qu’est abattu le L/Cpl Alfred Brown par un tireur isolé. Le L/Cpl Alfred Brown, né à Millfield, Sunderland en 1913, a une histoire particulièrement émouvante. Marié dans les années 1940, il laisse en souvenir à sa femme son béret de parachutiste, persuadé qu’il ne reviendra pas. Il meurt alors que sa femme est enceinte de son fils. Il est désormais enterré au cimetière militaire de Ranville.